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“Certaines patientes atteintes d’endométriose sont en grande détresse. Le but du projet EndoDol est de les soutenir.”

Patricia Branche est médecin anesthésiste en gynéco-obstétrique à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon. En charge de la consultation Douleur chronique, elle mène, avec le Pr Dubernard, gynécologue obstétricien, et Marie Demahis, psychologue, le projet EndoDol de prise en charge de la douleur chez les patientes atteintes d’endométriose.

Comment est né le projet EndoDol ?

L’endométriose* est une maladie gynécologique chronique qui peut engendrer de très fortes douleurs. Or une douleur chronique c’est une douleur qui s’ancre dans le corps et le système nerveux et qu’on ne peut pas simplement traiter avec un médicament. Sa prise en charge doit être pluridisciplinaire, pouvant impliquer des médecins, kinésithérapeutes, ostéopathes, hypnothérapeutes… Notre travail, à la consultation Douleurs chroniques de l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, consiste à aller vers une prise en charge ciblée.

L'équipe du projet EndoDol, constituée du Dr. Branche, de Marie Demahis et du Pr Dubernard

Cette approche s’adapte particulièrement bien à l’endométriose. Souvent, les femmes qui en souffrent ont subi un retard de diagnostic de 7 à 10 ans… Les symptômes peuvent être très différents d’une femme à l’autre, mais toutes ont une chose en commun : on ne peut pas arrêter cette maladie qui a des répercussions quotidiennes sur la vie des patientes. L’idée de départ du projet est donc d’agir sur la manière de vivre avec la maladie et les douleurs, que ce soit dans la vie professionnelle, personnelle, les loisirs, etc.

En quoi consiste le projet concrètement ?

Nous avons mis en place une prise en charge sous forme d’ateliers en groupes de 6 à 8 femmes, tout en poursuivant le suivi individuel en consultation. Avec une infirmière et une psychologue, nous alternons des séances de stratégies corporelles et des séances de photolangage. Les stratégies corporelles consistent à établir une prise de conscience corporelle et des techniques de mouvements et de respiration qui vont soulager les douleurs et apporter de la détente. L’idée étant que les patientes puissent s’approprier ces méthodes douces et les reproduire seules au quotidien. Le photolangage est une technique utilisée en groupe de parole avec une psychologue. Elle consiste à faire réagir les patientes sur des thématiques en s’aidant de supports photos. La psychologue donne une consigne, un thème, une phrase, chacune choisit une image parmi celles qui lui sont proposées et s’exprime. Le but est de créer un échange dans le groupe. Pour le suivi individuel, un bilan est réalisé à l’issue du programme avec la psychologue, portant notamment sur une échelle de qualité de vie et bien sûr également sur la douleur.

Nous avons démarré le projet fin 2019 et tout au long de 2020 nous avons dû nous adapter en raison de la crise sanitaire. Mais nous avons réussi à continuer, en constituant des groupes plus petits, en organisant les ateliers dans des locaux plus vastes… Ce projet donne lieu à une étude et nous sommes aujourd’hui à un peu moins de 40 patientes ayant suivi ce protocole sur les 92 prévues au total.

Quels premiers résultats avez-vous constaté ?

Nous en sommes au stade de l’analyse intermédiaire et nous constatons que ce soutien en groupe aide beaucoup les patientes. Elles voient qu’elles ne sont pas seules, elles peuvent partager leurs expériences, parler des retards de diagnostics qu’elles ont subis, des conséquences de la maladie sur leur vie… Elles apprécient d’avoir un lieu où l’on rassemble la reconnaissance médicale, l’écoute et le partage entre pairs qui est très important pour elles. Elles apprécient les techniques de stratégies corporelles car ce sont des gestes simples, reproductibles, et le fait de les pratiquer en groupe en étant guidé par quelqu’un. Pour certaines, cette prise en charge a contribué à donner l’impulsion d’un nouveau départ, notamment par l’acceptation de la maladie. Certaines ont opéré des changements de vie. Ce sont des jeunes femmes très courageuses, qui trouvent la force d’avancer malgré la douleur.

Les patientes apprécient d’avoir un lieu où l’on rassemble la reconnaissance médicale, l’écoute et le partage entre pairs qui est très important pour elles.

Dr. Patricia Branche médecin anesthésiste en gynéco-obstétrique à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon

Quelle est l’ambition de ce projet ?

Certaines patientes atteintes d’endométriose sont en grande détresse et le but du projet EndoDol est de les soutenir. Il faut imaginer qu’une femme sur dix est touchée ! Avec cette étude, ce que nous voulons, c’est démontrer à la Haute Autorité de Santé que ces méthodes d’accompagnement au long cours permettent de prendre en charge ces femmes. Il faudrait que cela se déploie partout en France et les instances régionales de santé ont le pouvoir de faire en sorte que cela se développe. Nous voulons aussi bien sûr pérenniser la démarche dans notre service, ce qui demande des moyens humains. Et puis la diffuser à d’autres acteurs.

Globalement, comment les choses évoluent et que reste-t-il à faire ?

Depuis que nous avons démarré, nous constatons que les choses bougent. D’autres structures agissent aussi pour mieux prendre en charge les patientes. Nous sommes contactés par des hôpitaux, d’autres consultations spécialisées dans la douleur, nous faisons partie d’un collège de professionnels de santé qui travaille sur ce sujet… Et puis il faut noter que les associations de femmes, comme EndoFrance, font beaucoup ! Il y a aussi des patientes qui veulent se former pour devenir “patientes expertes” afin de communiquer avec leurs pairs et de jouer un rôle d’interface entre le milieu médical et le milieu associatif pour témoigner, apporter leur expérience…

Pour finir, je dirais qu’il reste aussi à prendre en compte le volet social. En particulier concernant la reconnaissance de l’endométriose en tant qu’affection de longue durée (ALD), donnant droit à une prise en charge à 100 % des frais médicaux, paramédicaux et soins de support en lien avec cette pathologie, à une adaptation du poste de travail, à l’aménagement du temps de travail pour pouvoir aller en consultation, etc…

* L’endométriose est une maladie gynécologique fréquente qui concerne une femme sur dix. Elle est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Elle peut notamment provoquer de très fortes douleurs et/ou une infertilité.

Pourquoi nous soutenons ce projet ?

Porté par la Fondation des Hospices Civils de Lyon, le projet EndoDol repose sur le dialogue et la coopération entre les équipes soignantes et les patientes, afin d’améliorer la qualité de vie des femmes souffrant d’endométriose. Son approche innovante et non médicamenteuse, complémentaire de la chirurgie, repose sur l’humain.

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